La députée de Repentigny rencontrait cet avant-midi Christiane Bernier et Philippe Giroul, tous deux membres de la Coalition Biodiversité-Non au Bti qui souhaite interdire l’épandage de Bti au Québec.
Qu’est-ce que le Bti?
Le Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) est une bactérie larvicide qui sécrète des protéines cristallisées qui, lorsqu’elles sont absorbées par les larves, se changent en molécules toxiques qui perforent les parois de leur estomac. Les traitements de Bti ont un large spectre et tuent les larves d’insectes dont le contenu stomacal est basique.
Le Bti est responsable de la diminution des chironomes, maillon essentiel à la base des réseaux trophiques dans les zones humides. Les larves des chironomes jouent un rôle-clé dans la structure et le fonctionnement des écosystèmes aquatiques et sont à la base de la chaîne alimentaire. Elles sont une source importante de nourriture pour certains poissons et organismes aquatiques, sans compter les oiseaux, les libellules, les chauves-souris, les musaraignes aquatiques, etc., qui en dépendent. La Coalition demande donc « est-ce que cette démoustication de confort justifie la diminution d’autres espèces et la destruction de nos écosystèmes? »
Ce qui les motive…
- L’absence d’études indépendantes sur les impacts à longs terme et à moyens terme sur les écosystèmes québécois
- Impacts sur les espèces non ciblées, dont certaines sont inscrites au registre des espèces en péril (l’hirondelle de rivage, satyre fauve des Maritimes, fouille-roche gris, dard de sable, rainette faux-grillon)
- La résistance possible des moustiques au Bti
- La persistance possible de celui-ci dans les sédiments
- Le coût exorbitant des opérations à des seules fins de confort des populations
Au Québec, le larvicide Bti est employé depuis de nombreuses années dans plusieurs villes comme agent de lutte pour contrôler les mouches noires et les moustiques. Cette atteinte à la biodiversité est surtout utilisée chez nous pour des raisons de confort.
« Actuellement, le monopoliste du marché de l’épandage du Bti au Québec a mandaté 11 lobbyistes pour démarcher systématiquement environ 170 municipalités pour offrir ses services. En général, les compagnies d’épandage demandent des sommes importantes par année par municipalité, payées à même les taxes des contribuables, et signent généralement des contrats de 3 ans. Ce sont donc les compagnies d’épandage qui conseillent les maires et les conseillers municipaux, qui après un sondage, obtiennent les contrats », déplore la Coalition.
Une menace pour la biodiversité
La Coalition précise que depuis 1982, de nombreux programmes de contrôle existent au Québec sans qu’il y ait d’études d’impact indépendantes, pourtant en Europe de nombreux scientifiques ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur les impacts qu’aurait ce larvicide sur les écosystèmes. Des effets indirects et directs qui toucheraient même les vertébrés. L’insecticide Bti éliminerait près de 90 % des insectes piqueurs, mais aussi plus de 50 % des insectes non ciblés, comme les chironomes, insectes non piqueurs qui représentent une importante portion à la base de la chaîne alimentaire, à un moment de l’année où plusieurs petits animaux ont besoin de cette manne pour nourrir leurs bébés.
Mme Bernier et M. Giroul expliquent que les moustiques rendent des services écosystémiques. Ils jouent un rôle dans la chaîne alimentaire, car il nourrit les insectivores comme les oiseaux, les batraciens, les poissons, les libellules, etc. Les adultes mâles et femelles se nourrissant de nectar de fleurs, ils participent à la pollinisation des plantes, au même titre que les autres mouches, que les papillons ou les abeilles, les guêpes, les fourmis et les frelons.
Études indépendantes à l’appui, le Collectif précise qu’au Canada, le Bti est homologué par l’ARLA qui, malheureusement, n’a pas fait de recensions des publications actuelles sur les impacts collatéraux sur les espèces non ciblées. L’innocuité de ce larvicide, prôné au Québec a été remis en question ces dernières années.
En France et en Allemagne, pour ne nommer que ces deux pays, l’utilisation du Bti se fait depuis longtemps dans quelques régions ce qui a permis à des scientifiques de faire des études à long terme. La première étude a été effectuée dans le parc naturel de la Camargue en France et la seconde étude dans de milieux humides de lʼÉtat du Minnesota aux États-Unis.
En Camargue, sous la direction de la scientifique Brigitte Poulin, de 2007 à 2011, un suivi de diverses populations animales représentatives de la chaîne trophique dans les zones traitées et non traitées a révélé des effets indirects sur les hirondelles, les araignées, les libellules et les chauves-souris.
Dans la seconde étude, les auteurs ont trouvé, au cours de la seconde année dʼarrosage au Bti, une toxicité directe sur les chironomides, un effet indirect sur les autres groupes dʼinsectes et une baisse significative de la richesse en espèces . Les chironomides représentent une composante importante des communautés aquatiques, particulièrement au printemps alors quʼ ils représentent une source de nourriture clé chez les vertébrés en reproduction.
Une autre étude permet de conclure que les formulations commerciales de Bti sont toxiques pour les têtards de la grenouille commune sud-américaine (Leptodactyluslatrans). Un groupe de chercheurs, dirigés par le Dr Lajmanovic au Conseil national pour la recherche scientifique et technique en Argentine, ont réalisé une étude sur l’utilisation courante des produits à base de toxines Bti dans les zones suburbaines et urbaines. Le résultat est accablant.
Au Québec, les poissons semblent également souffrir sous le Bti. Le fouille-roche gris (un petit poisson de fond de la famille des percidés qui se nourrit de larves de la famille des chironomides) est aujourd’hui en péril. Pêches et Océans Canada (2012) pointe du doigt le Bti : « L’insecticide Bacillus thuringiensis israelensis,, utilisé pour lutter contre les populations de mouches noires adultes (diptères; simuliides), est un exemple de substance qui peut avoir un effet indirect sur le fouille-roche gris. » Même chose pour le dard de sable (petit poisson benthique d’eau douce) actuellement inscrit au registre public des espèces en péril.
La COPESAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) affirme à ce sujet que : « L’utilisation de l’insecticide Bacillus thuringiensis israelensis pour le contrôle des mouches noires dans les rivières du Québec peut toucher indirectement le dard de sable en réduisant l’abondance de son approvisionnement en insectes. »
Mme Bernier et M. Giroul ne pensaient jamais avoir défendre les moustiques et les mouches noires un jour, mais à voir aller les choses, ils ont décidé de le faire.