« C’est toujours préoccupant lorsqu’un gouvernement vous dit qu’il va faire quelque chose et qu’il ne le fait pas. » On pourrait croire que ces mots sont de moi, qui ai l’habitude de critiquer le gouvernement Trudeau, mais non ! Ce sont les mots utilisés par la commissaire à l’environnement, Julie Gelfand, lors du dépôt de son rapport printanier, le 24 avril dernier.

Il faut dire que chaque fois que la commissaire à l’environnement dépose un rapport, je m’empresse d’y assister et, chaque fois, je constate que ses critiques face à l’inaction du gouvernement canadien s’accumulent. À l’automne 2017, Mme Gelfand s’était penchée sur la capacité canadienne de s’adapter aux impacts des changements climatiques ainsi que sur le plan de réduction des gaz à effet de serre. Dans ces deux secteurs névralgiques, la commissaire affirmait que le gouvernement fédéral était très loin d’avoir accompli le travail nécessaire pour atteindre ses objectifs. Le gouvernement a un plan, mais aucune mesure concrète n’accompagne ce plan.

Fin avril, la commissaire Gelfand déposait un nouveau rapport qui, cette fois, examinait l’élevage du saumon, la conservation de la biodiversité et la préparation du Canada pour mettre en œuvre le Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030.

C’est sans surprise que j’ai entendu la commissaire juger que le Canada n’avait pas assumé le leadership nécessaire pour atteindre ses objectifs.

Je crois que ce qui m’a le plus choquée dans ce rapport, c’est d’apprendre que le Canada a concentré ses énergies sur la participation à des réunions internationales. Eh oui ! L’image du premier ministre est tellement plus importante que d’agir concrètement en fonction de ses engagements, particulièrement en matière de biodiversité et de développement durable. Et ça permet de bien se présenter dans les conférences des Nations Unies sur l’environnement et de faire de l’esbroufe devant les autres pays. Mais, encore une fois, le gouvernement Trudeau échoue au test des faits…

Biodiversité

« À force d’ignorer la destruction en accéléré de la vie sur la Terre, l’humanité est en train de saboter les conditions essentielles à sa propre survie. » Tel fut le message lancé à la fin du mois de mars par la communauté scientifique internationale, réunie en Colombie pour faire le point sur la crise sans précédent de la biodiversité et inciter les décideurs politiques à agir, avant qu’il ne soit trop tard.

En ce qui concerne les décideurs canadiens, la commissaire à l’environnement est claire : « Les efforts déployés par le gouvernement Trudeau ne suffiront pas à arrêter la dégradation de la biodiversité et à redresser la situation. »

Le Canada s’est pourtant engagé sur la scène internationale à protéger d’ici 2020 les quelque 80 000 espèces de plantes et d’animaux qui vivent sur son territoire. Malgré cela, plus de 500 espèces végétales ou animales sont considérées en péril au Canada. Qui plus est, selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), qui évalue le statut des espèces estimées en péril, ce nombre augmentera au fil des ans, soit au fur et à mesure que le comité se penchera sur l’état des autres espèces. Rappelons qu’une espèce est considérée en péril lorsqu’elle peut disparaître complètement d’un pays ou de la Terre, si rien n’est fait pour assurer sa survie.

À moins de deux ans de l’échéance, la commissaire constate que le gouvernement fédéral n’arrive toujours pas à savoir si cette biodiversité est bien conservée. Elle précise : « Les indicateurs, au moyen desquels il évalue son action, manquent de précision et ne mesurent pas les progrès accomplis. »

Une phrase d’Hubert Reeves vient souvent me hanter et devrait tous nous hanter : « Nous sommes en train de vivre un anéantissement biologique ». Et, pour cause. Si Trudeau dit entendre les cris d’alarme perpétuels lancés par les scientifiques, il ne réalise indéniablement pas l’urgence d’agir.

Élevage du saumon

Prenons l’exemple de l’élevage du saumon. Les risques que pose l’aquaculture sur les espèces sauvages sont bien réels, y compris celui de l’exposition aux maladies, aux médicaments et aux pesticides.

Pêches et Océans Canada ainsi que l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont la responsabilité de surveiller l’industrie de l’élevage du saumon sur les côtes de façon à protéger le poisson sauvage. Malgré cela, Judy Gelfand constate que très peu de choses ont été faites en ce sens. Pêches et Océans Canada n’a pas fixé de normes nationales pour les filets ou pour tout autre équipement susceptible de prévenir les évasions des poissons d’élevage. Jamais le Ministère n’a pris les mesures nécessaires pour s’assurer que l’industrie se conforme aux règlements sur l’aquaculture.

Inquiétant, certes ! Mais, selon moi, le plus alarmant dans ce dossier, c’est de savoir que le gouvernement fédéral n’a pas fixé de limites quant à la quantité de médicaments et de pesticides que les élevages de poisson peuvent utiliser pour soigner les maladies et les parasites. Ces limites sont importantes parce que ces médicaments et ces pesticides peuvent nuire aux poissons sauvages, notamment ceux qui habitent les fonds marins.

« Le Ministère avait terminé seulement une des dix évaluations des risques associés aux principales maladies connues et il ne contrôlait pas les maladies nouvelles et émergentes. Plus important sencore, nous avons constaté que le Ministère ne surveillait pas la santé des poissons sauvages. Autrement dit, Pêches et Océans Canada n’avait aucun moyen de savoir quels étaient les effets de l’élevage du saumon sur la santé des poissons sauvages », a déclaré Mme Gelfand.

Développement durable

Devant la communauté internationale, le Canada a adopté, en 2015, le Programme 2030, dans le cadre d’un effort mondial pour atteindre les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. Ces objectifs incitent à l’action dans plusieurs domaines pour créer un monde durable, y compris une éducation de qualité, des villes durables et la croissance économique, et la conservation de la biodiversité.

« Trois ans après s’être engagé, le gouvernement n’est pas prêt à mettre en œuvre le Programme 2030 des Nations Unies. Il n’a pas une approche pangouvernementale; la mise en œuvre est répartie entre cinq ministères — selon moi, il est difficile d’avancer avec 10 mains sur le volant », a conclu la commissaire à l’environnement.

Pour ma part, je le redis en matière de changements climatiques et d’environnement, il n’y a pas de frontières. Le Québec paye et va continuer de payer parce que le fédéral n’a aucune mesure concrète pour protéger l’environnement. Le gouvernement Trudeau dit toujours être en accord avec les recommandations de la commissaire, mais il n’agit pas ! Encore une fois, le Canada vient plomber les efforts du Québec en matière d’environnement. Donnons-nous les moyens d’être maîtres chez nous.