Cet été, l’annonce du ministre Guilbeault sous le libellé Énergie fossile :  présentation d’un plan pour mettre fin aux « subventions inefficaces » n’est malheureusement que de la poudre aux yeux. Une fois de plus, c’est le jour de la marmotte!

Plusieurs fois par année, le gouvernement Trudeau fait des points de presse pour nous faire croire qu’il lutte contre les changements climatiques.  C’est encore à cela que nous avons eu droit le 24 juillet dernier avec cette annonce de mettre fin aux subventions « inefficaces » aux énergies fossiles.

UNE SUBVENTION, C’EST QUOI?
Il peut être difficile de quantifier avec précision le montant total des subventions canadiennes aux énergies fossiles, compte tenu des nombreuses définitions utilisées par le gouvernement et la lenteur avec laquelle les données sont disponibles.

Toujours faudrait-il s’entendre sur ce qu’est une subvention ? Pour la plupart des gens, les subventions peuvent se définir comme de l’argent qui encourage la production de pétrole et de gaz. Or, le gouvernement du Canada n’a toujours pas à ce jour, sa propre définition de ce qu’est une subvention. Il utilise celle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en y ajoutant le tandem efficace-inefficace.  Pour le Bloc Québécois, ce sont de faux concepts.  Il n’existe pas de subventions efficaces aux combustibles fossiles.  Ce secteur a fait des centaines de milliards de profits en 2022, l’année de tous les records.  Ont-elles vraiment besoin d’argent public?

Ce n’est pas pour rien qu’en juin dernier, le Bloc Québécois a déposé une motion aux Communes exigeant que le gouvernement fédéral cesse d’investir dans les énergies fossiles.  En chambre, tous les députés sauf les conservateurs ont voté en faveur de cette motion.  On aurait pu croire que les libéraux avaient enfin vu la lumière, mais non.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, parle maintenant de subventions efficaces aux combustibles fossiles. C’est de la fiction. Pour nous, il ne doit pas avoir d’exceptions.  Il faut éliminer complètement ces subventions.

DE FAUSSES SOLUTIONS
En ce moment, le secteur pétrolier dit développer des technologies comme la Capture et le Stockage de carbone (CSC). Eh bien, selon eux, ils auraient trouvé une solution magique en captant le CO2 et l’enfouissant dans le sol. Comme le gouvernement Trudeau les appuie dans cette voie, ils auront donc droit à des subventions dites efficaces.

Cette technologie n’a même pas fait ses preuves. Si les partisans du CSC vantent le projet Quest de la pétrolière Shell en affirmant que le projet a fonctionné mieux que prévu, la réalité est bien différente. Global Witness, une ONG, a publié une étude confirmant qu’entre 2015 et 2019, Quest a capté cinq millions de tonnes de dioxyde de carbone, issu de la production d’hydrogène gris. Pendant cette période, la même usine a émis 7,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre, notamment du méthane, aux conséquences environnementales bien plus néfastes encore que celles du CO2.

De plus, cette technologie ne règle pas le problème des gaz à effet de serre produits par la consommation du pétrole dans nos voitures ou ailleurs.

En juillet, le ministre Guilbeault a clairement fait savoir qu’il soutient le CSC. Ça donne froid dans le dos quand on pense que le budget de 2023 prévoit accorder 80 milliards de dollars à la transition et à la lutte aux changements climatiques. Une somme qui est toute disponible aux compagnies gazières et pétrolières.

Rappelons-le, la production pétrolière canadienne bat des records et les profits sont au rendez-vous. Aussi, il appert que la production canadienne augmente jusqu’en 2040. J’ai pour mon dire que si ces entreprises croient tant à cette solution, elles ont assez d’argent pour investir elles-mêmes. Ne gaspillons pas les fonds publics pour extraire encore plus de sable bitumineux.

D’AUTRES LEVIERS FINANCIERS

Lors de l’étude du Comité permanent de la Chambre des communes sur les subventions aux énergies fossiles, nous avons constaté qu’il y avait beaucoup d’argent donné à l’industrie par le biais d’Exportation et développement Canada (EDC). Lors d’une rencontre, la présidente de cette société d’État a mentionné qu’EDC n’offre ni allocation ni subvention. Elle a toutefois reconnu ne pas être au courant de la définition claire de ce qu’est une subvention pour le gouvernement.

Pourtant, l’argent donné par EDC représente le plus grand soutien offert par le fédéral au secteur des combustibles fossiles.  Même s’ils n’appellent pas ça des subventions, c’est une aide financière majeure. Donnons ici l’exemple de Trans Mountain.

C’est EDC qui débloque tous les prêts pour financer le projet d’agrandissement de l’oléoduc, nationalisé par le gouvernement Trudeau en 2018. Au départ, le projet était de 7,4 milliards de dollars. Il est maintenant rendu à 30,9 milliards. Avec l’argent public, nous finançons collectivement cet éléphant blanc dans l’Ouest canadien.  Pour moi, c’est clairement une subvention, mais certains préfèrent jouer avec les mots.

Dire que Justin Trudeau justifiait son achat en affirmant vouloir investir les profits de Trans Mountain dans la lutte aux changements climatiques. Nous le savions, mais c’est aujourd’hui confirmé : il n’y aura jamais de profits.

LE PÉTROLE POUR L’OUEST CANADIEN

S’opposer aux subventions pétrolières au Québec, c’est facile.  Nous n’en avons pas et nous avons notre hydro-électricité. Pour l’Ouest canadien, c’est différent. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu en Alberta.

Comment éliminer les subventions sans plomber leur économie et sans mettre des personnes au chômage?  Les engagements du gouvernement libéral pour mettre fin aux subventions datent de 2009, 2011, 2015. Il y a eu des instructions données au ministère en 2021, des déclarations publiques de la part des libéraux, mais qu’est-ce qu’ils attendent pour agir?  S’ils avaient agi dès le début, nous ne serions pas en train d’avoir cette conversation. Nous aurions pu prendre l’argent des contribuables pour développer des énergies renouvelables et pour aider les travailleurs de l’Ouest canadien qui n’ont pas à subir seuls le poids de la transition énergétique. Comme nous ne bâtirons rien sur des regrets, allons de l’avant. Comme le mentionne Larry Rousseau, vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada, « les travailleurs des secteurs de l’énergie et des ressources comprennent déjà la sinistre réalité des changements climatiques. Ils y sont confrontés. Et ils constatent la nécessité de faire la transition vers des sources d’énergie propre et renouvelable ».

L’annonce du ministre Guilbeault, cet été, laisse présager que le secteur pétrogazier va encore être grassement subventionné.  C’est le fruit du travail des nombreux lobbys qui viennent tous les jours à Ottawa rencontrer les ministres du gouvernement.

J’aimerais lui rappeler que le véritable virage vert, c’est sortir de l’exploitation des énergies fossiles. Il n’est pas minuit moins cinq, il est minuit passé.