À peine quelques heures après que le regroupement Mères au front ait lancé sa campagne de mobilisation sur le projet de loi C-12 portant sur la lutte aux changements climatiques, mon bureau était inondé de milliers de courriels auxquels nous avons pris le temps de répondre. La dernière fois où j’ai vu un tel tsunami d’envois, était lorsque le Québec faisait face à la menace du pipeline Énergie Est.
Tout comme moi, les 5000 membres de Mères au front au Québec reconnaissent que le projet de loi C-12 sur la carboneutralité du gouvernement Trudeau est un pas dans la bonne direction, mais qu’il n’est pas assez audacieux. En tant que mère de trois enfants, j’ai toujours été sensible au monde que j’allais leur laisser. Après tout nous n’avons qu’une seule planète et si on la bousille où vivrons-nous? Depuis des années, les humains pillent la terre, polluent et nos émissions de gaz à effet de serre sont maintenant plus importantes que ce que nos océans et nos forêts peuvent absorber. L’humanité doit arrêter de vivre à crédit, car notre dette environnementale aura de lourdes conséquences pour les générations suivantes, pour nos enfants et nos petits-enfants.
Face à l’urgence climatique, ce n’est pas d’un pas dans la bonne direction dont nous avons besoin, mais d’un grand bond en avant. D’ailleurs, à titre de porte-parole du Bloc Québécois en matière d’environnement, je me suis rapidement aperçu des nombreuses faiblesses du projet de loi C-12. L’objectif général d’une loi sur le climat devrait être de rendre les gouvernements actuels et futurs responsables de leur action en matière climatique et d’éviter l’échec répété en matière de réduction des émissions. Le projet de loi du gouvernement Trudeau ne permet aucunement d’atteindre ces objectifs.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’an dernier, le Bloc québécois a déposé son propre projet de loi sur le climat, le projet de loi C-215 porté par ma collègue Kristina Michaud, députée d’Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia. Ce dernier était beaucoup plus contraignant que celui du gouvernement Trudeau et, sans le savoir, répondait en grande partie aux demandes qui se trouvent aujourd’hui dans la missive de Mères au front. Malheureusement, les libéraux et les conservateurs l’ont balayé du revers de la main le 3 février dernier. Ils ont manqué de courage encore une fois et pourquoi? Parce que le Canada est un pays pétrolier.
J’en profiterai ici pour rappeler qu’entre 1990 et 2017, les émissions de GES provenant de l’exploitation des sables bitumineux ont augmenté de 423 %. Cela fait de ce secteur, le plus polluant au Canada. Pour sa part, le secteur des transports a été la deuxième plus importante source d’émissions de GES, comptant pour 24 %. Ce sont sur ces deux fronts que l’on doit agir si nous voulons avoir des résultats.
On a tendance à l’oublier, mais une étude publiée dans la revue Nature en 2015 faisait état que pour respecter les engagements pris à Paris, le Canada devait laisser dans son sol plus de 85 % de ses ressources pétrolières. Qu’a fait le gouvernement Trudeau par la suite? Il a multiplié les décisions favorables à l’expansion des sables bitumineux et il est même allé jusqu’à faire l’acquisition du pipeline Trans Mountain qui émettra 620 mégatonnes de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.
Depuis le début de cette terrible crise sanitaire, les élus du Bloc québécois ont affirmé que la pandémie ne devait pas avoir pour effet d’en camoufler une autre, la crise climatique. Les enjeux de la santé et de l’environnement sont, nous en sommes de plus en plus conscients, intrinsèquement liés. Les maladies infectieuses ne sont pas sans lien avec la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité. L’action publique doit, impérativement et systématiquement, être pensée en termes de viabilité écologique et de résilience. Alors que nous dénoncions déjà toutes les formes de subventions aux énergies fossiles, nous n’accepterons pas que le gouvernement canadien profite de la crise sanitaire pour les soutenir davantage.
En matière de changements climatiques, le Québec a ses propres défis et responsabilités. Mais, nous sommes convaincus que notre nation a tout ce qu’il faut pour atteindre sa propre cible de réduction de 37,5% à l’horizon de 2030 par rapport au niveau de 1990. Surtout, nous croyons que les Québécois sont résolus dans leur volonté d’agir pour contrer la crise climatique, et je sais qu’ils attendent, à raison, que les gouvernements agissent en conséquence. Nous avons déjà réduit nos émissions de 8,7% depuis 1990, pendant que celles du Canada (en incluant la statistique québécoise) augmentaient de 18,9%. Ces efforts devront être poursuivis au-delà de 2030.
Je l’ai toujours dit, l’apport des mouvements citoyens est primordial pour faire avancer les choses et je suis fière de ces mères de famille qui voient très bien que le Canada n’est pas en voie d’atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Je compte sur elles afin d’exiger que le gouvernement canadien se détourne de sa dépendance aux hydrocarbures et se libère du poids des lobbys pétroliers et gaziers.
Pour notre part, les élus du Bloc québécois continueront leur lutte au Parlement afin d’enchâsser dans C-12 des éléments cruciaux de C-215 pour que nous puissions réellement évaluer l’action gouvernementale quand vient le temps de lutter contre les changements climatiques et de rencontrer ses engagements internationaux.
Nous avons manqué de temps pour prévenir les pires impacts de la crise climatique. Il est impératif que le gouvernement révise sa proposition de loi afin d’assurer un avenir viable à nos enfants.