Robes de soirée, costards, vêtements griffés, vêtements de sport, jeans ou prêt-à-porter, quel est le véritable prix de ces vêtements qui vous collent à la peau? Le coût réel est bien plus gros que vous ne pouvez l’imaginer lorsque vous passez à la caisse puisque l’industrie de la mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde, qu’elle s’est construite et évolue sur le dos des travailleurs, brimant les droits humains au point où certains y trouvent même la mort.

On a souvent beaucoup d’informations qu’on assimile une à la fois, en silo, sans faire des liens. Il en est ainsi du textile. Nous achetons trop souvent nos vêtements sans nous soucier de sa provenance, sans nous questionner sur la composition du tissu qui peut provenir de la pétrochimie, de plantes, de poils d’animaux ou encore de leur peau.

Une industrie polluante

Quels sont les impacts de cette industrie sur l’environnement? Ils sont nombreux et d’ordre divers, pollution, épuisement de ressources naturelles, impact sur la santé etc. Le film True Cost nous rappelle que nous oublions trop souvent de prendre en compte toutes les étapes nécessaires à la fabrication de nos vêtements lorsque nous faisons nos choix vestimentaires. Pourtant la mode émet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. Pas très étonnant, la majeure partie de l’électricité utilisée par les plus grands fabricants de vêtements au monde provient du charbon. Cette énergie est très néfaste puisque son extraction peut entraîner l’érosion des sols et la pollution des nappes phréatiques.

L’eau revient souvent quand on parle des problèmes associés à l’industrie de la mode. Par exemple, il faut énormément d’eau pour cultiver les céréales nécessaires à l’élevage du bétail qui sera appelé à devenir un blouson ou un pantalon de cuir. Selon la Fondation MacArthur, 4 % de l’eau potable est utilisée pour produire nos vêtements. L’équivalent de 70 douches est nécessaire à la fabrication d’un chandail et 285 pour un jean. Du champ à l’usine de fabrication de vêtements, de la boutique à notre laveuse, les produits toxiques ne cessent de se mélanger à l’eau. Plus près de nous, une étude fait état que 70 % des particules de microplastique qui se retrouvent dans les usines de traitement des eaux usées proviennent de fibres textiles, certaines de ces particules ont même fait leur chemin jusqu’en Arctique.

Je ne m’éterniserai pas ici sur les fibres synthétiques comme le polyamide, le polyester, le spandex, le lycra et j’en passe qui sont toutes des fibres issues du pétrole ou du charbon. Si le coton est considéré comme une fibre naturelle, il faut savoir que contrairement au lin et au chanvre, le coton a de grands besoins en eau et nécessite la plupart du temps d’être irrigué.

Les plantations de coton sont également arrosées de pesticides, d’herbicides et d’engrais qui se diffusent dans l’environnement et empoisonnent les travailleurs. Une étude sino-américano-suisse, qui s’est étalée sur 30 ans, a clairement établi une relation entre l’exposition aux poussières de coton et aux endotoxines des travailleurs de Shanghaï, le cancer des poumons et le cancer gastro-intestinal. On rapporte également que la culture du coton consomme 25% des pesticides et 10% des engrais utilisés dans le monde et ces intrants chimiques pourraient même aller jusqu’à intoxiquer le consommateur.

Parlant de la Chine, cette dernière paye un coût environnemental élevé pour être la capitale mondiale de la création de vêtements. On estime que 70% de ses cours d’eau seraient maintenant pollués à cause de l’industrie textile. Il n’est pas rare de voir des rivières colorées par les teintures toxiques qui servent à mettre en marché les vêtements aux couleurs chatoyantes que nous portons.

De l’esclavagisme moderne

Si un peu partout en occident, être bien habillé est synonyme de réussite, ces apparats dont nous nous drapons sont malheureusement souvent le fruit de l’exploitation d’autres êtres humains. En 2017, l’Unicef a affirmé qu’environ 168 millions d’enfants, soit plus de 10% des enfants dans le monde, sont soumis au travail forcé. Le Global Slavery Index (l’Indice mondial de l’esclavage) rapporte que de nos jours, 40 millions de personnes vivent comme des esclaves et que bon nombre d’entre eux travaillent dans des usines de textiles afin de fabriquer les vêtements de grandes marques internationales. L’Overseas Development Institute quant à elle estime qu’au Bangladesh, 15 % des enfants entre 6 et 14 ans des bidonvilles de la capitale ne vont pas à l’école et travaillent à temps plein et souvent jusqu’à 64 heures par semaine. Ce chiffre grimpe à 50 % à l’âge de 14 ans.

Pourquoi une multinationale nationale fabrique ces vêtements à des milliers de kilomètres de chez elle puisque le transport pour rapatrier les vêtements représente un coût considérable? Pourquoi est-elle prête à engager des enfants les privant ainsi de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité? Parce c’est rentable, très rentable. Quand elle peut engager de la main-d’œuvre bon marché et qu’en plus de cela, elle n’a pas à se soumettre aux normes plus strictes de sécurité qui règnent dans nos pays industrialisés, elle fait des profits faramineux. Malheureusement, cette avidité peut être mortelle.

En 2012, un incendie survient à l’usine Tazreen Fashion en périphérie de Dacca. L’usine textile fournissait notamment l’américain Walmart avait fait 111 morts. Les journaux rapportent les victimes, dont de nombreuses femmes, sont mortes par asphyxie et intoxication ou en sautant dans le vide. Une centaine de personnes ont également été blessées. Selon des ouvriers, leurs responsables leur avaient demandé de rester à leur poste en affirmant qu’il ne s’agissait que d’un exercice d’alerte incendie.

L’année suivante, l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, où on fabriquait notamment les vêtements Joe Fresh, a fait 1 127 morts et 2 500 furent rescapés. Comme une image vaut mille mots, je vous invite à faire une recherche pour constater toute l’horreur de cette scène. Un drame humain qui aurait pu être évité.

Ces enfants et ces travailleurs qui se cachent derrière nos vêtements vivent dans une pauvreté extrême et sont soumis à des conditions de travail horribles. Ils ont bien peu de chance d’aspirer à une vie meilleure si collectivement nous ne revoyons pas nos modèles de consommation, c’est pourquoi je vous invite à regarder l’étiquette la prochaine fois que vous irez magasiner. Rappelez-vous qu’après de nombreuses dénonciations, la compagnie Nike est devenue un emblème d’exploitation partout dans le monde, une manifestation lors des Jeux olympiques de 1992 s’est tenu pour dénoncer les pratiques de l’entreprise qui a ensuite été forcée de revoir sa façon de faire.

Si plusieurs entreprises de chez nous tentent d’offrir des vêtements écoresponsables, il n’existe malheureusement pas au Québec et au Canada de contrôle gouvernemental pour l’appellation des tissus dits «biologiques», cette certification est disponible uniquement sur les produits alimentaires. Il y aurait sans doute aussi des pressions à faire en ce sens, mais à voir le gouvernement Trudeau financer les pollueurs et refuser d’étiqueter la nourriture génétiquement modifiée, on peut penser que l’environnement et l’exploitation des travailleurs à l’étranger ne font pas partie de ses priorités.

Pour changer les choses, le Québec doit être souverain afin de pouvoir s’asseoir avec les autres pays et ainsi influencer la politique internationale.