Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau ont promis de nouvelles cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES). Ils sont toutefois revenus sur leur parole en annonçant qu’ils maintiendraient les cibles du gouvernement conservateur sortant qui, rappelons-le, niait l’existence des changements climatiques.
Depuis leur arrivée au pouvoir, le Parti libéral du Canada ne cesse de multiplier les décisions favorables à l’expansion des sables bitumineux. Les contradictions entre le discours du gouvernement Trudeau et ses actions ont été pointées du doigt lors de la COP 22 à Marrakech, les Premières nations ont même lancé un message clair au gouvernement: « Il est temps de passer de la parole aux actes. »
Les engagements brisés
À Paris, le Canada s’est engagé à maintenir le réchauffement climatique à deux degrés Celcius. Catherine McKenna, la ministre de l’Environnement, s’est même emballée disant espérer atteindre une cible de 1,5 degré.
Or, le gouvernement Trudeau a depuis donné son aval au projet de gazoduc Pacific Northwest LNG, qui deviendra l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES – principal facteur du réchauffement climatique) au Canada. On parle ici d’une augmentation des GES de 8,5 % en Colombie-Britannique et de 1 % à l’échelle canadienne. Le pro du selfie a aussi donné le feu vert au projet d’oléoduc Trans Mountain de la compagnie Kinder Morgan et le remplacement de la canalisation 3 du pipeline d’Enbridge.
Une étude publiée dans la revue Nature en 2015 faisait état que pour respecter les engagements pris à Paris, le Canada devait laisser dans son sol plus de 85 % de ses ressources pétrolières.
Ces deux projets permettront d’exporter plus 600 millions de barils de pétrole de plus chaque année ce qui augmentera considérablement les émissions de GES (celles liées à Trans Mountain seulement seront de l’ordre de 13,5 à 17 millions de tonnes par année, ce qui équivaut à une augmentation de 2% sur l’ensemble total des émissions canadiennes).
Comme si ce n’était pas assez, l’arrivée de Donald Trump ravive le projet d’oléoduc Keystone XL rejeté par l’ancien président Obama suite au rapport l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis qui estimait qu’en transportant le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, qui émet ainsi 17 % plus de gaz à effet de serre, Keystone XL générera un maximum de 27,4 millions de tonnes de GES de plus chaque année, comparativement à un même oléoduc qui transporterait du pétrole traditionnel. Remarquez que je n’ai pas encore parlé du projet Énergie Est jusqu’à maintenant, un projet qui menace 830 de nos cours d’eau, l’eau potable de 3 millions de Québécois et qui équivaut en terme de GES à mettre 7,6 millions de voitures de plus sur nos routes.
L’art de brouiller les cartes
Le Canada dit officiellement vouloir réduire ses émissions de GES de 30 % sous le niveau de 2005, et ce, d’ici 2030. Qu’est-ce que cela signifie?
Cela signifie « pas grand-chose ». À titre de comparaison, la France vise une réduction de 40 % d’ici 2030. L’Allemagne voit bien plus loin et estime pouvoir réduire ses émissions de 95 % d’ici 2050, tandis que la Suède aspire à devenir le premier pays sans énergies fossiles.
Mais surtout, depuis vingt ans, le reste du monde utilise 1990 comme année de référence, pas 2005. Seule l’administration Bush a choisi 2005, avant que le Canada renie Kyoto et lui emboîte le pas.
Ce n’est pas innocemment que le gouvernement Trudeau balaie du revers de la main cette période de 15 ans. Pendant ces 15 années, le Québec et les entreprises québécoises ont investi des milliards de dollars pour réussir à garder nos émissions de GES au même niveau qu’en 1990. Dans l’Ouest, durant cette période, les émissions de l’industrie du pétrole sale ont augmenté de 124 %, et en Saskatchewan de 76 %.
Pas besoin d’un postdoctorat pour réaliser que les alumineries québécoises, qui ont remplacé à coups de milliards leurs vieilles cuves polluantes pour diminuer leurs émissions de 27 %, ne les remplaceront pas une deuxième fois.
Pas besoin d’une calculatrice non plus pour constater que ce serait risible d’exiger de nos papetières, qui ont déjà réduit leurs émissions de 68 %, qu’elles travaillent à une nouvelle diminution de 30 %. Dans le contexte actuel, la seule chose qu’elles peuvent faire pour réduire leurs émissions, c’est fermer leurs usines.
Donc, si on analyse l’objectif mis de l’avant aujourd’hui par les libéraux à partir de la même base que les autres pays, soit 1990, le Canada a une cible réelle de réduction des GES de seulement 14 %.
Le carbone, un marché de dupes
On a envie de se réjouir lorsque les libéraux disent vouloir forcer les provinces à entrer dans le marché du carbone ou à percevoir une taxe sur le carbone. Mais le diable est dans les détails.
Pour quelqu’un qui ne s’y connaît pas, Trudeau peut avoir l’air de serrer la vis aux pétrolières, mais dans les faits, les tarifs qu’il suggère oscillent entre 10 $ et 30 $ la tonne de carbone ce qui est tout à fait risible. Selon Marwah Rizqy, professeure adjointe en fiscalité à l’Université de Sherbrooke les tarifs devraient se situer entre 150 $ la tonne et 300 $ pour que le processus soit efficace et puisse avoir un véritable impact sur l’environnement.
Le Canada ne passera même pas près d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé à Paris. Les mois filent et rien ne bouge. Les changements de gouvernement ne changent pas la réalité. Le Canada est un État pétrolier, pas le Québec, et nos différends en matière d’environnement sont irréconciliables.