Tout le monde est d’accord, l’eau est une richesse à préserver. Si au Québec, l’eau coule à flots, ailleurs, souvent moins loin que vous pouvez l’imaginer, près de 2 milliards d’êtres humains n’ont pas d’accès à l’eau potable. De plus entre deux et trois milliards de personnes dans le monde connaissent des pénuries d’eau et, selon les Nations Unies, ces pénuries vont s’aggraver au cours des décennies à venir – en particulier dans les villes.
Quand je parle du manque d’accès à l’eau potable et que je demande aux gens quelle est la première image qui leur vient en tête, la quasi-totalité imagine une jeune femme africaine se promenant avec des carafes d’eau. Ils se surprennent toujours d’apprendre qu’au Canada, il y a encore des communautés qui vivent sans eau potable. Eh oui, malgré la promesse de Justin Trudeau en 2015, une trentaine de communautés autochtones n’ont toujours pas l’eau potable.
D’ailleurs en avril 2022, Radio-Canada rapportait que transporter ses bidons pour aller chercher de l’eau potable, se laver avec de l’eau en bouteille, faire bouillir l’eau… Dans 33 communautés autochtones du pays, dont près de 80 % en Ontario, ces gestes sont encore quotidiens. L’eau potable reste un luxe devenu un traumatisme à force de l’attendre, de l’espérer. Au Canada, Neskantaga (Nation oji-crie du Nord de l’Ontario au Canada) est la communauté qui souffre depuis le plus longtemps du manque d’accès à l’eau potable. Ils attendent depuis près de 30 ans. À seulement 10 km de Calgary, une communauté autochtone n’a pas d’eau au robinet. Incroyable. Au Québec, les problèmes d’eau potable ont aussi touché la communauté autochtone anichinabée de Kitigan Zibi.
Les villes ne sont pas non plus à l’abri de pénurie d’eau. On le voit déjà ici lorsque le niveau des rivières baisse et que les villes demandent aux citoyens de réduire leur consommation d’eau. Ailleurs sur la planète, le rapport sur la mise en valeur des ressources en eau 2023, dévoilé lors de la Conférence des Nations unies sur l’eau à New York, indique que l’utilisation des ressources en eau dans le monde a augmenté de près de 1 % par an au cours des 40 dernières années. On estime également que la demande en eau des villes pourrait augmenter de 80 % d’ici 2050 en raison de la croissance démographique, du développement socioéconomique et des modes de consommation.
L’eau, ce sera tout un défi au cours des prochaines années, ça l’est déjà, c’est pourquoi en septembre, j’ai assisté à un forum qui tentait de répondre à la question : quel est le futur pour l’eau douce au Canada? Je ne suis pas certaine qu’on ait trouvé une réponse.
Les mots que j’ai le plus entendus sont : collaboration, échanges, avoir des données claires. On ne peut pas être contre la vertu, mais il y a tellement d’organismes, de ministères, de citoyens impliqués dans la gestion de l’eau, dans sa protection, comment se fait-il que nous ne soyons toujours pas plus informés ou plus mobilisés face à cet enjeu.
Un service essentiel
L’eau est un service essentiel et à la base de la vie humaine. En effet, notre corps est composé presque aux trois quarts d’eau, on se déshydrate un peu en vieillissant, mais que voulez-vous. Le rôle de l’eau dans le corps humain est tout à fait fascinant. L’eau maintient l’équilibre et la température du corps, lubrifie les tissus, dilue la concentration de poisons, élimine les déchets et les toxines, hydrate la peau et sert d’amortisseur aux articulations, aux os et aux muscles. L’eau est essentielle au bon fonctionnement de nos organes.
Nos organes ont quotidiennement besoin de 2 à 3 litres d’eau rien pour assurer fonctionnement en conditions normales. Ils sont aussi composés d’eau, notre cerveau (90%), notre cœur (77 à 83%), notre sang (95%), notre foie (73%), nos os (22%) et j’en passe.
Si l’eau abreuve chaque fibre de notre corps, ce dernier doit se nourrir de substances solides, ce qui m’amènera à vous parler d’agriculture un peu plus tard puisque 70% de l’eau est utilisée pour irriguer les terres et le bétail.
L’abondance
Si l’eau semble être une ressource inépuisable pour certains, sa rareté se constate localement. Chaque jour, plus de 2300 personnes – dont 700 enfants âgés de moins de 5 ans – meurent de maladies provoquées par de l’eau insalubre, des infrastructures déficientes et un manque d’hygiène. Selon l’ONU, au moins 2 milliards de personnes boivent de l’eau contaminée par des excréments, les exposant à des maladies mortelles : choléra, dysenterie, typhoïde ou polio.
Ici, nous sommes de grands privilégiés. Alors que seulement 0,0007% de l’eau douce de la planète est accessible, le Québec possède 3% des eaux douces renouvelables de la planète. Le Canada dispose quant à lui de 20 % des ressources d’eau douce de la planète. Pour plusieurs ici, l’eau est une ressource inépuisable. Cela explique sans doute pourquoi on la gaspille autant. J’ai honte de l’admettre, mais les Québécois sont les plus grands consommateurs d’eau potable au monde.
Par exemple, un Montréalais consomme en moyenne 367 litres chaque jour, alors qu’un Canadien en consomme en moyenne 220 litres. Les Européens semblent beaucoup plus sensibles au gaspillage de l’eau que nous. En comparaison, en Angleterre les consomment 140 litres par jour alors que les Français se limitent à 120 litres.
Si les individus doivent faire plus d’efforts et modérer leur consommation d’eau, les gouvernements doivent protéger l’eau à tout prix contre des pratiques entrainant sa contamination alors que de plus en plus de situations préoccupantes émergent.
Actuellement, la réponse du gouvernement fédéral est de créer l’Agence canadienne de l’eau. Mais, personne ne sait très précisément ce que cette Agence va faire. Rappelons-le l’eau douce découle de la compétence des provinces. Si la protection de cette ressource essentielle nécessite l’engagement de divers ordres de gouvernement, il est clair que pour le Bloc Québécois, que chacun doit néanmoins savoir s’acquitter des responsabilités qui sont les siennes, en respect des compétences législatives des uns et des autres.
Gouvernance et protection
Dans un de ses reportages sur l’eau, Radio-Canada explique qu’au Québec, malgré la grande présence de rivières et de lacs, c’est l’eau souterraine qui est la ressource en eau potable la plus sollicitée. Selon le ministère de l’Environnement, elle permet d’approvisionner près de 90 % du territoire habité et ainsi rejoindre 20 % de la population. Encore une fois, cette richesse se doit d’être protégée et les exemples ne manquent pas.
Pas plus tard qu’en juillet dernier nous avons appris la contamination de l’eau potable de l’arrondissement de La Baie par des PFAS (une famille de plusieurs milliers de substances chimiques connues pour leur persistance dans l’environnement) découlant d’activités menées à la base militaire de Bagotville. La mairesse de Saguenay confirmait que 3 736 domiciles habités par environ 8 000 citoyens auraient été exposés aux contaminants PFAS. La ville entérinait par la suite deux règlements pour une somme de près de 6 millions $ afin de répondre à cette situation préoccupante.
Pourtant, durant tout le déroulement de ces événements, jamais, le gouvernement fédéral ne s’est fait entendre. Le premier ministre, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, et le lieutenant du Québec, Pablo Rodriguez, agissent présentement comme si la base de Bagotville relevait de la responsabilité de la Ville de Saguenay.
Un autre exemple que l’eau en péril, la contamination de l’eau aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et au cuivre émanant d’un centre de recyclage en territoire mohawk qui aux dires de plusieurs est devenue une véritable bombe environnementale pour Québec et Ottawa. Comme ce centre dirigé ne dispose d’aucun système de récupération et de traitement des eaux conforme aux normes environnementales, les eaux contaminées se répandent abondamment jusqu’au lac des Deux Montagnes. Malgré les missives envoyées par le gouvernement fédéral aux propriétaires du site en 2020 pour exiger des améliorations au système de captation des eaux toxiques, rien ne s’est fait. Québec a mené deux enquêtes qui ont permis de mettre le dossier dans les mains du Directeur des poursuites criminelles et pénales.
Comme la promesse faite par Trudeau en 2015 aux autochtones, j’ignore si l’Agence canadienne de l’eau sera à la hauteur des attentes que beaucoup ont envers elle dans le ROC. Pour l’instant, je crois que nous avons un défi gigantesque devant nous.
Agriculture
Je m’en voudrais d’écrire un texte sur l’eau sans parler d’agriculture puisque ce secteur d’activité accapare 70% de nos ressources en eau. Qui plus est, la crise de l’eau, c’est celle du climat et celle du climat c’est celle de l’environnement. Tout est lié et à la base de notre survie, il faut boire et manger.
Pour plusieurs agriculteurs, ce fut un été désastreux. Il y a eu ces pluies torrentielles, mais également des gels tardifs en juin, la chaleur extrême, les vents violents sans oublier que le soleil a manqué à l’appel à de nombreuses reprises. Il appert même que l’été 2023 a été un des plus gris de l’histoire, notamment à Montréal. Conséquence, beaucoup moins de fruits et légumes locaux furent disponibles pour les consommateurs cet été.
En cet été particulier, les précipitations ont dépassé la normale dans plusieurs régions et plusieurs villes ont fracassé des records. Environnement et changement climatique Canada estime que 366 millimètres de pluie sont tombés sur la région du Bas-Saint-Laurent dans le secteur de Mont-Joli pendant les mois de juin, juillet et août 2023. C’est une hausse de 41% par rapport aux normales de saison. Pour la Gaspésie, les précipitations reçues totalisent 510 millimètres d’eau, une hausse de 123%.
Si cette année, cette la pluie a fait ses ravages dans les champs du Québec, il ne faut pas oublier les sécheresses des dernières années. Les données compilées par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) montrent que le total des indemnités versées aux entreprises agricoles à cause de pertes de revenus liées à la sécheresse est passé d’environ 2 millions de dollars en 2016 à près de 14 millions en 2021, avec un pic en 2020 à 35 millions de dollars.
Pour contrer la sécheresse, certains agriculteurs se sont tournés vers la construction des bassins de rétention d’eau. C’est le cas de Robert Bourdeau qui mentionne : J’ai commencé à emmagasiner de l’eau parce que quand arrive une sécheresse, c’est rendu trop tard pour commencer à dire « on prend l’eau où? » Pour lui, les coûts de construction de bassins de rétention sont bien moindres que les pertes successives subies à cause du manque d’eau.
On le sait, la décennie 2011-2020 fut la plus chaude depuis 125 000 ans; cela est principalement dû aux activités humaines. Cette tendance à la hausse se maintient donc nous pouvons d’ores et déjà prédire que les plantes et les animaux auront besoin de plus d’eau, mais pas de pluies diluviennes, nous également.
Des moments incertains nous guettent, c’est pourquoi nous devons nous retrousser les manches et attaquer le défi de l’eau.