Quand le gouvernement a annoncé son intention de lutter contre le phénomène des thérapies de conversion en juin 2019, nous nous sommes réjouis de voir que le gouvernement avait cheminé puisque trois mois plus tôt, il affirmait, en réponse à une pétition déposée à la Chambre des communes, regretter ne pas être en mesure de le faire.
Pour nous au Bloc québécois, la thérapie de conversion n’est pas un acte médical, mais une procédure barbare visant à nier l’identité d’un individu. Ces thérapies relèvent non seulement de la pseudoscience, mais elles sont dangereuses et dégradantes pour les personnes qui les subissent en plus d’être inefficaces.
Ceux et celles qui offrent des thérapies de réorientation sexuelle ne sont pas des professionnels de la santé, car aucun professionnel digne de ce nom ne pourrait dispenser ce soi-disant service sans considérer qu’il s’agit d’un acte dérogatoire à la dignité de sa profession.
Nous sommes en 2020 et il est grand temps que nous reconnaissions que l’attirance envers les personnes du même sexe est une des variations normales du comportement humain. Il est également de notre devoir de protéger les victimes des partisans des thérapies de conversion qui tendent à avoir des opinions religieuses très conservatrices.
Si nous reconnaissons que les groupes qui font la promotion des thérapies de conversion sont des groupuscules et qu’ils sont minoritaires, nous tenons à réaffirmer que le respect des croyances doit aller de pair avec le respect de la différence et l’assurance de l’égalité entre les citoyennes et citoyens. Les membres de la communauté LGBTQ2 doivent obtenir tout le respect qu’ils méritent, et ce le plus tôt possible.
Historiquement, le Québec a été un Chef de file au Canada en matière de protection des droits, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnaît, depuis 1977, l’orientation sexuelle comme un motif prohibé de discrimination. De plus, l’Assemblée nationale du Québec a institué l’union civile dès 2002 pour permettre l’union des couples de même sexe.
Ce fut des gains importants pour la communauté LGTBQ2, d’ailleurs les membres de cette communauté pourraient sans doute corroborer que malgré ces avancées sociétales, il reste encore beaucoup à faire pour éliminer la discrimination dont ils font les frais.
D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, l’épidémiologiste Travis Salway a constaté que le suicide est désormais la cause principale de mortalité chez les hommes homosexuels et bisexuels canadiens et il a tenté de comprendre pourquoi. Selon lui, ce serait lié à ce qu’on appelle le “stress des minorités” qui a souvent pour effet d’engendrer pensées négatives persistantes et un sentiment de profond désespoir. M. Salway s’est d’ailleurs positionné officiellement contre les thérapies de réorientation sexuelle.
Il faut savoir qu’au Canada, 47 000 hommes canadiens appartenant à une minorité sexuelle ont été soumis à une thérapie de conversion et je ne sais pas combien de femmes.
Au Québec, Gabriel Nadeau, ex-membre d’une communauté protestante pentecôtiste à qui l’on a fait subir trois thérapies de conversion, est devenu le porte-voix de ces gens à qui l’on demande d’être hétérosexuels malgré leur attirance profonde pour une personne de l’autre sexe. Son témoignage donne froid dans le dos et je cite :
« Dans le groupe avec qui j’étais, il y avait la croyance que l’homosexualité était un esprit maléfique… Il y avait cette pratique-là de faire des exorcismes…
« Quatre personnes me tenaient physiquement pendant que le “prophète” me criait dans les oreilles pendant une demi-heure en demandant au démon de sortir, et on me faisait boire de “l’huile d’olive sainte”.
Si le scénario semble digne d’un film, ce qui en découle n’arrête malheureusement pas à la fin de cette séquence. Gabriel Nadeau le sait, et le confirme en disant :
« Je pense que ça a été la phase la plus difficile pour moi, même au-delà de l’exorcisme. C’est, en fait, le rejet de moi-même qui s’en est suivi, de complètement être dégoûté par moi-même et vouloir changer absolument et être désespéré, chaque jour. C’était vraiment épouvantable…»
Aujourd’hui, Gabriel Nadeau s’accepte pour qui il est et dit qu’il ne retournerait jamais à cette prison religieuse. J’en profite pour saluer sa force, sa résilience et je lui souhaite tout le bonheur du monde.
Ceci dit, j’enchainerai en disant que ce ne sont pas toutes les histoires qui se terminent bien. Les thérapies de conversion peuvent laisser des cicatrices profondes, comme l’explique la Société canadienne de psychologie. Parmi les conséquences négatives de ce genre de conversion, on note la détresse, l’anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d’échec personnel, de la difficulté à maintenir des relations et un dysfonctionnement sexuel.
Les députés du Bloc Québécois sont unanimes, nous nous opposons aux thérapies de conversion, car pour nous l’égalité entre les citoyennes et les citoyens est une valeur québécoise fondamentale et un droit inaliénable. Les pratiques qui nient le droit à l’existence dans le respect de son identité profonde se doivent d’être dénoncées.
Au Québec, le respect de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle de toutes et chacun constitue une telle valeur, à laquelle la pratique des thérapies de conversion fait violence. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous appuierons le projet de loi C-6 visant à modifier le Code criminel afin qu’il soit dorénavant illégal…
- de faire suivre une thérapie de conversion à une personne contre son gré;
- de faire suivre une thérapie de conversion à un enfant;
- d’agir en vue de faire passer un enfant à l’étranger pour qu’il y suive une thérapie de conversion;
- de faire de la publicité en vue d’offrir de la thérapie de conversion;
- de bénéficier d’un avantage matériel, notamment pécuniaire, provenant de la prestation de thérapies de conversion.
Le Bloc Québécois a toujours été résolument engagé dans la protection et la promotion des droits et libertés des citoyennes et citoyens du Québec et a toujours été prêt à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Il n’y a nul doute pour nous que le projet de loi C-6 va en ce sens tout comme l’initiative du gouvernement du Québec en matière de protection des droits des personnes, le projet de loi 70 qui vise à mettre fin aux thérapies de conversion.
Le Bloc Québécois ne peut que se réjouir de voir nos gouvernements reconnaitre, par leurs projets de loi, que nous sommes justifiés, en démocratie, à affirmer des valeurs collectives, et à encadrer légalement les pratiques issues de croyances qui sont contraires à ces valeurs.
Pour toutes ces raisons, le Bloc Québécois appuiera sans réserve les différentes modifications au Code criminel prévues par le projet de loi C-6.
J’aimerais terminer sur une note plus personnelle puisque pour ma part j’ai toujours pensé que chaque parent veut ce qui est de mieux pour son enfant. Quand j’ai appris que mon fils Julien était gai, une sorte de tristesse s’est emparée de moi, non pas parce qu’il était homosexuel, mais parce que j’avais peur pour lui, j’avais peur qu’il soit victime de discrimination et je voulais le protéger à tout prix. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’il a, en effet été victime d’homophobie comme bien d’autres d’ailleurs.
Aujourd’hui, en approuvant le projet de loi C-6, je crois que nous contribuerons à créer une société où la communauté LGTBQ2 sera mieux protégée mais je crois aussi qu’il est de notre devoir d’aider cette communauté à surmonter les préjugés auxquels elle doit faire face en travaillant à les faire tomber.