Cet été, le Bloc québécois a déposé un mémoire à propos du projet de méga dépotoir nucléaire à Chalk River, sur les rives de la rivière des Outaouais.
Qu’est-ce que ce projet dont on a peu entendu parler?
Le réacteur nucléaire de Chalk River est situé en bordure de la rivière des Outaouais. Ce site est celui qui est favorisé pour construire une installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS). Cette méthode consiste à empiler les déchets en surface, à quelques centaines de mètres de la rivière. Si ce projet est accepté, ce sera le plus gros site IGDPS au monde, du jamais vu. On compte y accumuler un million de mètres cubes de déchets radioactifs dans un site qui ressemblera à un dépotoir municipal. Une membrane imperméable recouvrira cette colline de déchets radioactifs.
Le contrat de stockage de déchets nucléaires a été octroyé à Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) en 2015 par le gouvernement Harper. LNC est un consortium international privé formé de cinq entreprises multinationales, dont SNC-Lavalin. Ce consortium n’assumera pas vraiment de risque et sa responsabilité sera limitée à la période de temps déterminée par son contrat. La surveillance du site est prévue jusqu’en 2100; cependant il faut savoir que la radioactivité quant à elle peut durer des millions d’années. Les générations futures auront à payer un prix élevé pour réparer les dégâts.
Temps et argent ou sécurité
Ce ne sont que des contraintes de temps et d’argent qui ont été retenues pour le choix d’un site IGDPS comme solution. La santé et la sécurité des citoyennes et des citoyens ne sont jamais prises en compte dans la construction de ce méga dépotoir.
À Ottawa, le gouvernement Trudeau n’a pas daigné remettre en question le choix du site ou de la méthode d’enfouissement.
Au Québec, plusieurs municipalités ont déjà adopté des résolutions pour s’opposer au transport de déchets nucléaires vers le site de Chalk River. Des citoyennes et des citoyens, des médecins, des scientifiques, des nations autochtones d’ici, mais aussi de l’Ontario se sont organisés pour contrer cette idée complètement irresponsable qui pose de nombreux risques pour la santé et l’environnement.
La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale prévoit l’évaluation des risques de différents projets sur l’environnement. Dans ce dossier, c’est la Commission canadienne de sûreté nucléaire qui est mandatée afin d’analyser les enjeux environnementaux et de sécurité publique. LNC a donc déposé son document sur l’évaluation environnementale. Toutefois, ce document intitulé l’Énoncé des incidences environnementales a été rédigé en anglais uniquement.
À la suite aux pressions faites dans le but de pouvoir informer la population francophone qui sera directement touchée par le projet de dépotoir de déchets nucléaires de Chalk River, la date butoir pour faire valoir les différents points de vue a finalement été reportée au 16 août. C’est à ce moment que le Bloc Québécois a déposé son mémoire.
Notre tâche consistait à répondre à la Commission de sûreté nucléaire (CCSN) qui demandait si des informations supplémentaires étaient nécessaires pour bien évaluer le projet.
Le Bloc québécois s’est inscrit dans cette consultation. Les enjeux particulièrement pour l’eau potable sont trop importants pour laisser un consortium privé négliger cet enjeu. La rivière des Outaouais est un affluent important du fleuve Saint-Laurent, qui tous deux approvisionnent en eau potable des millions de Québécoises et Québécois.
Un site questionnable
Selon nous il faut se questionner sur le site qui a été choisi pour ce dépotoir puisque ce type d’installation de surface se retrouve ailleurs dans le monde, mais rarement en bordure d’un cours d’eau. Comment LNC justifie-t-il un tel choix?
Ensuite, le site se trouve sur une ligne de faille sismique majeure, au-dessus d’un substrat rocheux poreux et fracturé. Selon Ressources naturelles Canada, un petit tremblement de terre survient à tous les cinq jours en moyenne dans cette zone. Pourquoi un terrain géologiquement plus stable n’a-t-il pas été choisi?
Il existe un autre facteur important à prendre en considération dans le choix de ce site. Il est prévu que le dépotoir de Chalk River entreposera des matières radioactives et d’autres matières dangereuses en provenance de partout au Canada qui viendront s’ajouter aux déchets déjà accumulés sur ce site par LNC.
Comment justifie-t-on de transporter ces déchets dangereux dans un site si peu sûr et de les regrouper si près de l’eau, en amont des sources d’eau potable de millions de citoyens québécois?
Enfin, le fait de confier la gestion des déchets nucléaires à une firme privée semble illogique. Une entreprise privée cherche généralement à faire du profit, il est plausible d’imaginer que le consortium n’hésiterait pas à favoriser les méthodes les moins coûteuses dans leurs prises de décisions quitte à choisir des solutions qui pourraient s’avérer douteuses pour le bien-être de la population et de l’environnement.
Faut-il comprendre que les éventuels profits des activités commerciales de ce site seront destinés à des entreprises privées, en partie étrangères, mais que les éventuelles pertes et réparations seront à la charge des contribuables des générations à venir?
Plusieurs autres questions sont sans réponses
Pourquoi le processus d’évaluation environnementale (ÉE) n’a-t-il pas été étudié à nouveau à l’occasion du changement de gouvernement et des promesses de Justin Trudeau
Pourquoi ce projet n’attend-il pas la modernisation des ÉE, tel que promis par le premier ministre? Soulignons que cette modernisation n’est toujours pas réalisée et qu’elle est nécessaire afin d’assurer un processus respectueux de l’acceptation sociale
Ce projet, c’est un million de mètres cubes de déchets radioactifs qui serait exposé au vent, à la pluie et à la neige. Des orages feraient écouler des substances radioactives dans les étangs et les marais. L’érosion et les intempéries permettraient à ces substances de se disperser de façon incontrôlée sur le territoire.
L’Agence internationale exige « des mesures d’imperméabilisation et de récupération des eaux » pour la disposition des déchets radioactifs de faible intensité, et « un environnement géologique stable » pour la disposition des déchets radioactifs de niveau intermédiaire. Pourquoi le Canada n’applique-t-il pas de façon rigoureuse ses normes qu’il a lui-même contribué à élaborer?
Pour toutes les raisons mentionnées dans ce mémoire, le choix d’un autre endroit pour disposer des déchets radioactifs semble s’imposer de lui-même.
La bataille se poursuivra en 2018 sur le fond de ce projet et le Bloc québécois sera de cette bataille aux côtés de ses alliés.