En ce moment aux Communes, nous nous penchons sur le projet de loi C-49. Comme tous les projets de loi, celui-ci porte un titre qui ne suscite aucun enthousiasme Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, mais il n’en demeure pas moins qu’il est important de l’étudier.
De façon générale, le projet de loi C-49 vient modifier l’entente de 1987. Il vise à moderniser le régime administratif et la gestion de l’industrie énergétique en milieu marin dans l’est du Canada. Cela vise principalement l’exploitation des hydrocarbures, un secteur d’activité que le Bloc Québécois dénonce régulièrement, mais aussi de futures activités liées au secteur des énergies renouvelables, soit l’énergie éolienne extracôtière au large de la côte est du Canada.
Pour bien comprendre cet enjeu, il faut savoir que la Cour Suprême du Canada a statué que les eaux extraterritoriales sont de compétence fédérale. Dès lors, il y a eu un partage des responsabilités entre le fédéral, le Québec et certaines provinces dont les provinces maritimes. Or, à cette époque, on ne parlait pas encore de crise climatique et l’industrie éolienne comme on la connait maintenant n’existait pas. Ce projet de loi peut donc paver la voie d’une réelle action en matière d’énergie renouvelable pour la côte-Est.
Il y a du positif dans ce projet de loi, par exemple, on parle de gérer conjointement des ressources énergétiques renouvelables en haute mer et la possibilité d’annuler certains claims pétroliers dans le fond des mers. Prenez note que si je donne des fleurs à ce projet de loi, le pot s’en vient!
Urgence climatique et transparence
À l’heure actuelle, au moment de nous prononcer sur C-49, nous faisons face à une crise climatique sans précédent. Nous savons déjà que 2023 est l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous assistons à un multiplication des catastrophes naturelles partout dans le monde et le Québec n’y échappe pas. Les 5 et avril dernier, du verglas s’est abattu sur le Québec. En mai, nous avons subis les inondations printanières parmi les plus importantes jamais enregistrées. Parlez-en aux agriculteurs, ceux et celles qui produisent des produits essentiels à notre subsistance. Entre le verglas, le gel, les sécheresses et les pluies diluviennes, ils ont une année en dent de scie qui n’augure rien de bon pour l’avenir. Il ne faut pas oublier non plus les feux de forêt qui ont ravagés le Québec ont défrayer la manchette dans le monde entier. Je m’arrête ici, car des exemples, il y en trop.
Actuellement, s’il y une chose que nous savons tous, mais que nous ignorions lors de la première mouture de la loi que le gouvernement s’apprête à réviser, ce sont les liens qui existent entre les changements climatiques et l’activité des pétrolières. Soulignons au passage que les compagnies pétrolières étaient au fait des conséquences de leurs activités sur l’environnement et elles ont mis le couvert sur la marmite. Shell savait depuis 1986 et Exxon depuis 1977, mais ces géants pétroliers ont fait fi des recommandations des scientifiques qui les avaient pourtant mis en garde contre les dangers du réchauffement climatique. Aujourd’hui, nous payons tous pour leur insouciance.
C’est ici que le pot arrive. Le projet de loi C-49 maintient encore les mécanismes qui permettent l’exploration et l’exploitation qui mènent à des forages pétroliers. Le Bloc Québécois estime que, dans la perspective de la transition énergétique, l’industrie de l’exploitation des énergies non renouvelables en mer devrait décroître rapidement. En conséquence, nous croyons qu’aucuns nouveaux projets d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures en milieu marin ne devrait être autorisé, quelles qu’en soient les conditions particulières. C’est le chemin qu’emprunte actuellement le Québec et dont les provinces maritimes pourraient s’inspirer.
Historique
Un peu d’histoire, vous aidera sans doute à comprendre pourquoi, même avec l’adoption de C-49, il est légitime de craindre les conséquences d’une exploitation des hydrocarbures grandissantes sur la crise climatique, mais également la continuité du non-respect des exigences de conservation de la biodiversité marine.
Je tiens à rappeler ceci : quand le Canada prend des engagements internationaux qui concernent l’environnement, la protection de la biodiversité et la lutte aux changements climatiques et que le monde entier observe les décisions politiques qui sont prises, mais les bottines suivent rarement les bottines.
En avril 2019, le gouvernement Trudeau annonçait en grande pompe une interdiction totale de faire de nouveaux travaux pétroliers et gaziers, d’exploitation minière, de déverser des déchets et ou de faire du chalutage de fond dans toutes les aires marines protégées au Canada. Lors de ce Sommet international tenu à Montréal, il incitait également d’autres pays à en faire plus protéger l’environnement mondial. Ironiquement et parce que les libéraux sont maîtres quand vient le temps de jouer avec les mots, les refuges marins ne faisaient pas partis de cet engagement.
Après s’être placé en grand défenseur de l’environnement. Il était temps pour le gouvernement de donner suite à cet engagement. Pourtant, en 2020, le Canada a décidé de mettre en place un nouveau règlement qui allaient exempter de futurs forages en mer d’une évaluation environnementale. La volonté du gouvernement est claire: accélérer les forages pétroliers en milieu marin. Soustraire cette activité à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale en les soumettant à des évaluations régionales n’avait aucun sens d’autant plus que, de l’aveu même des individus en charge, ces évaluations étaient déficientes.
En novembre de cette même année, l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador a accepté d’offrir à la pétrolière BP Canada un accès à 264 500 hectares d’océan en échange de leur engagement à effectuer des travaux d’exploration d’une valeur de 27 millions de dollars. Dans un pays pétrolier, le pétrole et l’argent font bon ménage. Au diable le reste! Le gouvernement libéral favorisait et favorise toujours le développement de l’industrie pétrolière dans des refuges marins qu’il a lui-même créés.
Au même moment, sur toutes les tribunes, le premier ministre Trudeau s’engageait avec grandes émotions à « réaffirmer l’engagement du Canada à protéger 25% des terres et des eaux d’ici 2025 et à atteindre 30% d’ici 2030. »
Lorsque BP faisait ses « arrangements » avec l’Office, le ministre de l’Environnement et des changements climatiques, Steven Guilbeault avait déjà commencé à ramollir son discours en expliquant en Comité et je le cite : « …tous les projets de forage doivent respecter des normes environnementales élevées » et que les règlements en place « établissent des processus clairs pour les projets de forage en mer. »
Misère! Les activités de forage en mer représentent une menace pour la vie marine. Les canons acoustiques utilisés pour explorer les fonds marins (les levées sismiques) interfèrent avec les activités de communication, d’orientation et de recherche de nourriture des rorquals bleus et des baleines noires, deux espèces classées « en voie de disparition » au Canada.
Les éclairages dont sont munies les plateformes et installations pétrolifères sont néfastes pour les volatils, causant des confusions sur les lieux de repos, des problèmes de repérage pour l’alimentation et j’en passe. S’engager en faveur de la conservation des milieux marins et prétendre que c’est compatible avec le développement de l’industrie pétrolière extracôtière, c’est de la pure folie.
Bien d’accord avec le journal d’information britannique The Guardian qui ne s’est pas gêné pour accuser le Canada d’être un hypocrite climatique. Rappelons-le, s’il y a de l’exploration c’est avec le but de faire de l’extraction et de l’exploitation, sinon à quoi bon.
Bay du Nord.
Une semaine après avoir déposé son Plan de réduction des émissions et en pleine préparation pour la venue de la COP 15 sur la biodiversité à Montréal, le gouvernement Trudeau annonçait la mise en branle du projet Bay du Nord. Cette annonce a tétanisé plusieurs pays, c’est peut-être ce qui explique les propos peu élogieux qu’on entend sur la scène internationale à l’endroit du Canada.
La société suédoise Equinor, instigatrice du projet de Bay du Nord, a eu la présence d’esprit de laisser tomber ce projet. Une chance, car ce premier projet en eaux profondes comportait de nombreux risques. À l’époque, nous avions appris qu’il faudrait entre 18 et 36 jours seulement pour amener le matériel nécessaire sur place pour colmater une fuite éventuelle. On parle ici de milliers de litres de pétrole qui se serait répandu dans l’océan Atlantique.
Difficile de ne pas être cynique quand on sait que le ministre qui a consenti au projet de Bay du Nord, est ancien militant écologiste convaincu.
Qu’importe l’issue de Bay du Nord, le gouvernement Trudeau n’y est pour rien. Tous ce qu’on peut retenir de cette saga, ce sont les voltes-faces du gouvernement, les doubles-discours, la terminologie employée afin de mettre les citoyens en confiance. Ce gouvernement a renoncé à ses engagements politiques et climatiques.
Revenons à C-49, le Canada, visage à deux faces, joue encore la carte du « bon participant », alors qu’au fond, il faut bien admettre que la probabilité que les modifications que prévoit C-49 maintiennent l’octroi de permis et promeuvent les activités pétrolières en mer, est belle et bien là. D’ailleurs, quelques jours à peine après avoir déposé C-49 le gouvernement annonçait de nouveaux permis de forages afin de doubler la production pétrolière au large des côtes.
Encore une fois, le gouvernement avait une occasion de montrer qu’il voulait sortir des énergies fossiles et il l’a raté. Ceci étant dit, ce serait une bonne chose de « mettre la table » d’un point de vue législatif pour les énergies renouvelables dans cette région du Canada.
Je le répète, la sortie des énergies fossiles est impérative. Il n’y a pas que l’Ouest canadien qui a besoin d’un coup de main, mais les provinces maritimes également. Dans les deux régions, l’environnement et la biodiversité sont mises à mal, mais le caucus du Bloc Québécois a de sérieux doutes sur la probité des engagements qui sont contenu dans C-49.